Quelles chaines de valeur régionales ?
La contrainte de la demande étant desserrée, qu’en est-il du côté de l’offre ? Les entreprises africaines sont-elles à même de répondre à cette demande dans leur sous-région et dans tout le continent ? Là le diagnostic est plus réservé : ces opportunités ne sont aujourd’hui saisies que par quelques « champions panafricains ». Le plus connu est le groupe de l’homme le plus riche d’Afrique, le nigérian Dangote, implanté dans une vingtaine de pays.
Parti du ciment, celui-ci s’est diversifié dans l’agroalimentaire, l’immobilier, la logistique portuaire, le textile, les télécommunications, la production d’engrais et récemment le pétrole. Ses revenus annuels dépassent les 4 milliards USD en 2017.
Autre exemple : au Maroc, l’Office Chérifien des Phosphates, premier producteur au monde, emploie directement plus de 20 000 personnes et représente au moins 10 % des recettes fiscales du pays. Enfin, MeTL (Mohammed Enterprises-Tanzania Limited) s’est diversifié dans une quinzaine de secteurs, employant 24 000 personnes, avec un chiffre d’affaires de 1.3 milliard USD, contribuant pour environ 3.5 % au PIB de la Tanzanie.
Derrière ces grands gagnants, pourtant, les statistiques disponibles indiquent que la majorité des producteurs africains perdent du terrain. Les exportations intra-africaines de biens de consommation ont reculé de 12.9 milliards USD à 11.8 milliards entre 2009 et 2016.
En proportion du PIB du continent, elles sont passées de 0.8 % à 0.5 %. Seuls 18 % des nouvelles entreprises exportatrices africaines survivent au-delà de leur troisième année, contre 22 % dans les autres pays en développement. La productivité en Afrique rapportée à celle de l’Asie est passée de 67 % en 2000 à 50 % en 2018, et stagne à 12 % de la productivité des États-Unis.
Il est urgent pour les États d’inverser la tendance et permettre à l’offre de rencontrer la demande, en donnant les moyens aux PME exportatrices d’Afrique d’augmenter leurs ventes sur ce marché continental décloisonné en rapide expansion, de monter en gamme et ainsi rattraper le petit peloton de tête des « champions ». Alors le pari de la transformation productive pourra être gagné.